Premier long métrage de Nicolas Pariser, Le Grand Jeu est une œuvre politico-fictionnelle aux accents réalistes, ce qui semble être l’exercice préféré du réalisateur. Une petite brochette d’excellents acteurs, et nous aurons peut-être un film Français sortant des sentiers battus.
Pierre Blum est un écrivain ayant connu le succès très jeune, trop jeune sans doute, au point de plus pouvoir rien écrire depuis 15 ans. Une rencontre avec Joseph Paskin, avocat charismatique et manipulateur versé dans la politique, forcera Pierre à se remettre au travail pour une commande un peu particulière, mettant rapidement sa vie en danger. Replongeant bien malgré lui dans son passé, il tombe peu à peu sous le charme de Laura, militante d’extrême gauche l’accueillant dans son cercle.
Je n’aime généralement pas le cinéma politisé, souvent trop simpliste ou partisan. L’exercice est ici exécuté sous le fictionnel, dans une histoire très inspirée et donc vraisemblable sous la forme d’un petit coup d’état. La force ici est de ne pas sombrer dans les dérives précédemment citées. L’œuvre ne cesse de replacer Pierre comme personnage central voire comme point de vue. L’immensité des magouilles politiciennes est toujours replacée sur ce personnage et sa totale impuissance face aux choses.
L’homme est joué avec brio comme un quadra désabusé et pas vraiment adapté à son époque, sorte de représentation de bien des Hommes de notre génération, ni heureux ni malheureux, encore capable d’aimer et de s’émouvoir, mais jamais vraiment en phase avec le monde. Du point de vue très recentré nait une atmosphère étouffante. Le film, malgré sa mise en scène un peu simple, est maitrisé de bout en bout, rendant viscérale la moindre scène sans avoir besoin de trop en montrer : Une grande violence malgré une absence de brutalité, des sentiments forts malgré la pudeur et le cynisme des personnages.
Le film évite l’écueil du parcours initiatique consistant à balancer l’intrigue dès les premières minutes. Il prend son temps, naviguant doucement sans cesser de surprendre, développant des personnages avant de développer leurs actes. Le film est un ainsi un petit hybride pas vilain du tout. Imparfait, sans folie, mais rarement où on l’attend, prenant régulièrement le contrepied de son histoire sans jamais être ennuyeux. Chacun se fera son avis sur le message du film, très tortueux voir cryptique, ou simplement à plusieurs niveaux. L’évolution de la politique, la place des idéaux dans celle-ci, l’écrasante et invisible pression du pouvoir, sa nécessité d’être fort pour exister, etc… chacun y trouvera ou non sa morale. Pas forcément accessible, Le Grand Jeu parait bien souvent plus littéraire que véritablement filmique, réussissant pourtant à transformer cela en une œuvre digeste.
Pas grand-chose à dire sur les acteurs, Melvil Poupaud est égal à lui-même dans son jeu, sobre voire détaché, le rôle l’exige. Petite déception sur Clémence Poésy, pas mauvaise mais un peu trop effacée, un peu lisse dans son costume de contestataire.
Un film à la progression brillante, surprenant et intelligent malgré sa technique limitée, laissant la sensation d’un livre idéalement porté à l’écran.
Date de sortie : 16 décembre 2015
Durée : 1h39min
Réalisé par : Nicolas Pariser
Avec : Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy
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